vendredi 3 avril 2015

La réflexion sur la lutte contre les inégalités semble aujourd'hui être simple : prendre aux riches pour donner aux pauvres. Cette évidence est en fait un sophisme, par Damien Theillier, président fondateur de l'Institut Coppet.

Damien Theillier  |   -  1555  mots
Prendre tout le pain de la principauté de Monaco pourrait-il soulager la famine au Burundi ? Oui, dit comme ça, cette proposition vous semble dénuée de bon sens. Pourtant, un tel sophisme est à la base d'une méprise commune : la lutte contre les inégalités. Inégalités économiques, inégalités entre hommes et femmes, inégalités entre le Nord et le Sud. Disponible en diverses variations, ces totems sont dénoncés autant par les associations que les institutions. Ainsi, la directrice du FMI, Christine Lagarde, s'y met elle aussi : « Trop d'inégalités nuit à la croissance »(14 février 2015, France Télévisions).

Don Quichotte apprécierait une telle bataille.

Les inégalités ont récemment fait les gros titres. Le combat acharné d'Oxfam y est pour quelque chose. En effet, le dernier rapport de l'ONG pointe du doigt les inégalités de revenus. Le pour-cent le plus riche de la planète possède(rait) 50% des ressources mondiales. Le postulat semble appuyé par des économistes, comme par exemple, Thomas Piketty. Dans son dernier livre, « Le Capital au 21ème siècle », il critique le
système capitaliste. Selon lui, il permet aux riches de devenir de plus en plus riches... et aux pauvres, de devenir de plus en plus pauvres. Il faut régler cela. Conséquence prévisible, le rapport propose de taxer. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'y va pas de main morte. L'association propose d'aspirer 58 milliards d'euros immédiatement.
Dans quel but ? Eh bien, l'ONG soumet l'idée d'une couverture santé universelle dans les 49 pays les plus pauvres ; pays parfois plus concernés par la famine ou l'accès à l'eau potable qu'à l'assurance maladie. Vous pensez peut-être ne pas gagner « tant que ça ». Il est vrai que vous n'êtes pas à plaindre comparé à tel ou tel pays. Pourtant, vous pourriez bien faire partie des plus riches de la planète. Gardez à l'esprit qu'un ouvrier du textile au Bengladesh touche un salaire mensuel de 68 dollars. Pour autant, nous ne pouvons pas rester insensibles devant la pauvreté. Que faire ? Les solutions prônées par Oxfam peuvent-elles les aider à sortir de la pauvreté ?

« Lorsque les riches sont maigres, les pauvres sont morts. »

Tel est ce proverbe chinois. La sagesse populaire a observé très tôt que les inégalités ne sont pas le problème. Quand le riche est ramené à classe moyenne, le pauvre est devenu misérable. Si les inégalités ne sont pas le sujet - la pauvreté est le problème. Tout part d'une confusion d'époque. Nous ne sommes plus au Moyen-Âge.
Historiquement, les inégalités venaient d'un effet de prédation. Les riches usaient et abusaient de leurs pouvoirs pour s'enrichir aux dépens des autres. Pouvoir politique et richesse personnelle étaient liés. Avant le 16e siècle, les richesses étaient principalement acquises par la guerre, la confiscation, et l'oppression fiscale.
Avec le Moyen-Âge, puis la Renaissance, le commerce se développe. Les outils de concentration du capital apparaissent : l'ère de la banque débute. Ce sont les échanges qui développent la richesse des individus.
L'économiste français Frédéric Bastiat (1801-1850) sépare les inégalités en deux catégories : celles issues de la nature, intrinsèques à la nature humaine... et celles causés par l'intervention des pouvoirs publics.

Les privilèges octroyés : la source des véritables injustices.

Prenons un exemple concret. Tenez, le monopole des taxis. Plusieurs entreprises ont voulu appliquer les dernières innovations pour baisser les coûts : services de réservation en ligne, meilleure gestion pour réduire les coûts d'opération, etc.
Une première entreprise a fini par boire le bouillon à force : Easy Take. En cause ? L'intervention des pouvoirs publics pour défendre l'acteur préexistant sur le marché. Le ministère de l'Intérieur est intervenu à deux reprises pour barrer la route à l'entreprise. Une première fois en créant une longueur minimale des véhicules, supérieure de 10 petits centimètres à la flotte de Easy Take. Une seconde fois, en augmentant la puissance minimale du moteur pour les véhicules de transport. Easy Take a disparu en 2012. Les choses ont-elles changé ?
Pas vraiment : maintenant, c'est Über qui tente de sauver les meubles, slalomant entre les amendes. Et demain, ce sont sûrement les voitures sans chauffeur qui se retrouveront sous le feu de la critique. Ne pensez pas que le monde des taxis est le seul concerné. Un certain nombre de secteurs subissent ce capitalisme de connivence.

Quand l'Etat réserve une industrie à une petite caste.

Cette situation pourrait définir le corporatisme. Par l'intervention des pouvoirs publics, le marché est réservé à une petite caste. Celle-ci ne tient pas sa place grâce à un avantage concurrentiel, mais grâce au jeu de courtisan. Cette inégalité de traitement empêche les plus faibles d'entrer sur le marché, et de faire concurrence aux puissants en place. L'ascenseur social est bloqué ; les consommateurs pestent contre les prix élevés liés au monopole. Ceux qui ont la faveur des gouvernants s'enrichissent ; les autres ne peuvent pas même récupérer les miettes.
Cette situation n'est pas nouvelle ; le corporatisme sous l'Ancien Régime produisait les mêmes effets. C'est ce que dénonçait Pierre Samuel Dupont de Nemours à la fin du 18e siècle :
 « Les fabriques et le commerce ne peuvent fleurir que par la liberté et la concurrence, qui dégoûtent des entreprises inconsidérées ; qui mènent aux spéculations raisonnables ; qui préviennent les monopoles et restreignent à l'avantage du commerce les gains particuliers des commerçants ; qui aiguisent l'industrie et simplifient les machines ; qui diminuent les frais onéreux de transport et de magasinage ; qui font baisser le taux d'intérêt et d'où il arrive que les productions de la terre sont à la première main achetées le plus cher qu'il soit possible au profit des cultivateurs et revendues en détail le meilleur marché qu'il soit possible au profit des consommateurs, pour leurs besoins et pour leurs jouissances. »

La pauvreté recule au niveau mondial.

Les croyances sur le « tiers-monde » sont tenaces. Ces pays seraient pauvres, et auraient besoin de l'aide occidentale pour s'en sortir. C'est le discours subliminal de nombreuses ONG - sans vous, ils ne seraient rien. Vous vous en doutez, la réalité est plus complexe. L'extrême pauvreté a reculé de moitié en 20 ans.
Selon l'ONU, 36% de l'humanité vivaient dans le dénuement total en 1990. Ils ne sont plus « que » 18% en 2010.  L'extrême pauvreté reste un défi majeur, mais elle recule. Rome ne s'est pas fait en un jour, paraît-il. Le pays aux résultats les plus spectaculaires est la Chine. En l'espace de deux décennies, l'extrême pauvreté est passée de 60% à 12%.
Pourtant, les Chinois ont leur lot de milliardaires, comme Li Hejun, PDG de Hanergy Group (26 milliards d'euros). Même l'Afrique sort du marasme. Le FMI prévoit que la croissance des économies africaines combinées dépassera les 5% en 2015. Mettez ce chiffre en parallèle avec notre pauvre 0,4%, selon l'INSEE.

La cause de la pauvreté en France

Vous me rétorquerez que la pauvreté augmente en France. Elle se fait de plus en plus sensible, et aucun territoire n'est épargné. Vous avez raison. Mais la cause du malheur des Français n'est pas les inégalités. Cela n'a rien à voir avec Bernard Arnault (LVMH) ou Liliane Betancourt (L'Oréal).
Depuis des années, les pouvoirs publics font la traque aux entrepreneurs, aux jeunes prodiges, aux productifs. Il ne fait pas bon avoir la tête qui dépasse. Des trappes à pauvreté ont été mises en place : l'exonération fiscale pour les salaires au niveau du SMIC entraîne inévitablement un nivellement vers le bas des salaires.
Frédéric Bastiat parlait des inégalités créées par les actions de l'Etat ; le poids de la fiscalité française en fait partie ; l'incertitude juridique aussi.

Pourquoi cela va continuer - le danger du principe de précaution.

Le monde rentre dans une nouvelle révolution industrielle. Au menu, l'impression 3D, l'intelligence artificielle, la robotique ou la Big Data. Et ce n'est que le début. Chaque jour, le monde avance sur ces sujets et de nouvelles richesses se créent. Pour en bénéficier, il n'y a pas de miracle : il faut y participer. Et rien n'est plus difficile lorsque l'Etat s'attaque au capital des Français par volonté de réduire les « inégalités ».
Ce serait oublier le principe de précaution. Inscrit dans la Constitution Française via la Charte de l'Environnement, ce principe risque de nous fermer les portes de nombreuses innovations révolutionnaires. Tenez, les chinois investissent massivement sur l'impression 3D de bâtiments. Aux dernières nouvelles, un prototype développé par l'entreprise WinSunpermet « d'imprimer » une belle villa de 1200m² pour 160.000 dollars.
Combien de critiques s'élèveront dans l'industrie du Bâtiment lorsque ces nouveaux outils seront finalisés ?
* Damien Theillier est le président fondateur de l'Institut Coppet, un think tank qui remet au goût du jour la tradition économique française. Vous pouvez découvrir sa rubrique hebdomadaire coup de poing ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire